“Hey, this is the fight song, no
matter where you’re from!”
Cette chanson, elle l’écoutait
tous les matins afin de se donner du courage. Courage qu’elle ne mettait pas
forcément à profit puisqu’elle avait deux rituels dans la journée, l’un au
réveil et l’un au coucher. Au coucher, elle pleurait afin de se vider et afin
de ne pas avoir assez de larmes au cas où elle manquerait de craquer en public.
Pourquoi le soir ? Tout simplement parce qu’elle ne sortait pas, ses yeux
avaient donc le temps de perdre leur couleur rougie durant la nuit. C’est un
stratagème qu’elle avait élaboré un jour où elle avait craqué en cours, et où
elle avait été exclue du cours car ses sanglots « perturbaient le bon
déroulement du cours ». Son rituel matinal, quant à lui, était autrement
plus dangereux. Elle se faisait une coupure sur le bras avec une lame de
rasoir, et ce chaque jour suivant un jour sans tentative de suicide de sa part.
Elle fit courir la lame sur son avant-bras, laissant s’enfuir le liquide
cramoisi. Elle le lécha, le goût métallique du sang était devenu comme une
drogue, c’était une des raisons pour laquelle elle ne faisait rien. Elle
voulait sa dose de sang. Elle jeta un rapide coup d’œil à son réveil, 7h30. « Merde
je vais être en retard » Elle enfila son pull à toute vitesse, attrapa son
sac et se rua dans les escaliers, avant d’être interpelée par une voix moitié
endormie, moitié avinée.
« Eh tu peux pas
faire moins de bruit ? Y en a qui dorment ! »
Son oncle du côté de sa
mère, visiteur indésirable de la maison, que ses parents avaient recueilli
après qu’il ait perdu son emploi, que sa femme l’ait quitté et qu’il se soit,
par conséquent retrouvé à la rue. Ce que les parents ne savaient pas, c’est qu’il
passait sa frustration sur Jenny, notamment en la molestant lorsque l’envie lui
prenait. Et là les excuses de Jenny ne lui plaisaient pas, lui semblaient
fausses, mais il ne se sentait pas capable de l’attraper pour lui faire sa
fête, alors il se contenta de retomber sur le canapé en grommelant. Jenny
profita de cet instant pour sortir et courir sur le trajet. La musique
résonnait dans ses oreilles. Running From
My Shadow de Mike Shinoda la portait et lui donnait l’impression que
ses jambes ne touchaient pas le sol. Elle avait toujours été rapide lorsqu’il s’agissait
de course, cependant ce n’était pas à force de cours de sport, mais bel et bien
à force de se faire poursuivre par des personnes lui voulant tout sauf du bien.
Elle avait appris à courir vite, sans se retourner, et son souffle était
relativement bon. Celui-ci lui permettait de courir à pleine vitesse assez
longtemps pour mettre de la distance entre ses agresseurs et elle. La musique
était toute sa vie. Elle était sa seule amie, son seul amour, et une des seules
raisons pour elle de continuer à exister, en plus du goût du sang. Elle n’avait
pas jugé utile d’apprendre à jouer de la musique, et pourtant elle avait écrit
de nombreuses chansons ainsi que de nombreux textes, pour lesquels elle
essayait de trouver de belles mélodies pouvant coller aux textes. Elle avait d’ailleurs
enregistré une chanson, mais ne l’avait faite écouter à personne du fait de sa
solitude. D’ailleurs des paroles lui venaient, elle réfléchissait à comment les
tourner, lorsqu’elle arriva devant son lycée. La boule au ventre, elle passa le
portail. Elle avait toujours la boule au ventre en arrivant à ce point-là de la
journée, car au vu de son passé, elle ne pouvait juste pas se sentir sereine
entre ces murs, alors que d’après le règlement (qu’elle avait lu afin de trouver
où le harcèlement était autorisé), un contexte de sécurité primait en ce lieu.
“Wir sind Kinder der Sterne. »
Enfant des étoiles. Cela
la résumait bien, elle adorait regarder les étoiles lors de ses insomnies à répétition.
Elle aimait se retrouver face à ces astres et s’imaginer que chaque étoile était
une personne maltraitée qui illuminait les nuits sans sommeil des brebis
égarées. Elle s’imaginait qu’un jour elle aurait le courage de charger le
pistolet, qu’elle n’aurait pas que de l’adrénaline qui lui traverserait le
corps, et que… Ses pensées furent stoppées durant leur développement et son
regard était attiré par un autre regard. En face de chez elle se trouvait une
maison à vendre depuis voilà des mois, cependant elle ne se vendait jamais.
Apparemment elle avait trouvé acquéreur, pensa-t-elle, puisqu’une lumière était
allumée dans les combles et une ombre la regardait derrière un rideau fin. Jenny
plissa les yeux afin d’essayer de percevoir un visage, mais elle n’y parvint
pas. Cette ombre finit par se détourner de la fenêtre et alla s’affairer dans
sa chambre. Jenny décida alors de faire de même. Elle éteignit sa chaîne Hi-Fi
qui crachait à faible volume une reprise de Fear of the Dark d’Iron Maiden par
un groupe qu’elle venait de découvrir. Elle vérifia l’album qu’elle avait
acheté afin de se remémorer le nom. Van Canto. Elle avait découvert ce groupe
suite à la disparition d’un des membres du groupe suite à l’emménagement de celui-ci
avec un de ses amis. Ensuite on n’eut plus aucune nouvelle des deux hommes,
jusqu’à ce que la police intervienne et trouve la maison saccagée et le corps
de l’autre personne sans vie, une dague sacrificielle dans le cœur. On avait
retrouvé de l’ADN appartenant au membre de Van Canto, mais jamais on n’avait
retrouvé sa trace. Jenny regarda l’heure, 4h37. Elle s’allongea avec un livre, Cujo de Stephen King, et ne dormit pas.
Elle était plongée dans sa lecture, et lorsque son téléphone sonna l’heure de
se réveiller, elle posa le livre sur sa table de chevet et alla prendre une
douche. Elle accomplit son rituel puis partit en avance car elle voulait arriver en cours avant
les autres. Elle jeta un coup d’œil à la fenêtre des combles et vit la même
ombre devant la fenêtre. Elle n’y prêta pas attention plus longtemps et
continua à avancer au son de Last Man
Standing de Hammerfall, chanson qui avait le mérite de la mettre de bonne
humeur.
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